e-G8 Forum : deux jours pour nourrir les discussions des chefs d’Etat sur Internet

J’ai eu la chance d’assister aux conférences du e-G8 Forum, les 24 et 25 mai 2011. Ce forum, organisé en amont de la réunion du G8 à Deauville, visait à nourrir les débats des chefs d’Etat du G8 au sujet de l’Internet. Première initiative du genre, le e-G8 Forum témoigne de l’importance que revêt aujourd’hui Internet dans nos économies et nos sociétés.

e-G8 Forum, 24 mai 2011, Nicolas Sarkozy

Le président de la République Nicolas Sarkozy, a proposé une vision enthousiasmante du devenir de l’Internet, et surtout de sa prise en compte au plus haut niveau des instances représentatives de l’intérêt général dans le monde. En tant que président du G8 (la France préside actuellement cette instance), Nicolas Sarkozy offre aux acteurs de l’Internet une écoute de la part des chefs d’Etat des plus grands pays industrialisés. J’ai noté en particulier la posture modeste du chef de l’Etat, reconnaissant avoir à apprendre des acteurs de l’Internet pour préparer l’avenir et favoriser la croissance et l’innovation permise par Internet, et de recommander « ne doutez pas de la révolution en marche ».

e-G8 Forum, 24 mai 2011, Ben Verwaayen et Christine Lagarde

Les tables rondes qui se sont succédées en séances plénières ont été l’occasion de voir débattre les représentants de grands acteurs de l’Internet. Principalement de grandes sociétés telles que Facebook, Google, Orange, Iliad, Vente Privée, Universal Music, mais aussi quelques représentants du monde politique (Christine Lagarde, Frédéric Mittérand et Eric Besson par exemple). On peut déplorer l’absence de représentants issus du tissus économique qui ne sont pas des pure players de l’Internet, ou encore issus du monde de l’éducation, de la culture ou de la société civile (des gens comme vous et moi, simples utilisateurs de services en ligne).

Parmi les intervenants, j’ai noté pêle-mêle quelques points de vue qui ont attiré mon attention. Le détail des interventions étant disponible sur le site Web du e-G8 Forum, il ne me paraît pas pertinent ici d’en dresser un compte-rendu détaillé (de toute façon je n’en aurais pas le temps !), mais plutôt d’insister sur les faits marquants. Ainsi, Sheryl Sandberg (DG Google) considère les médias sociaux comme un moyen de rapprocher les gens et de leur permettre d’accroître leur influence. Andrew Mason (fondateur de Groupon) fait remarquer que 95% du commerce a lieu off line et c’est précisément où Groupon se trouve. Stéphane Richard (PDG Orange) remarque que sans réseau, pas de success story Web. Et il ajoute que la croissance du trafic data est de 5% par semaine à Paris, ce qui incite à réfléchir au risque d’effondrement du réseau et donc au partage des investissements sur les infrastructures réseau (actuellement portés par les opérateurs) ainsi qu’à la distribution des revenus de l’Internet.

 e-G8 Forum, 25 mai 2011, Maurice Lévy et Marc Zuckerberg

Au sujet de la neutralité du Net qui a fait couler beaucoup d’encre (et d’octets !) ces derniers mois, Stéphane Richard recommandait de ne pas limiter le débat aux seuls réseaux et de l’étendre aux éditeurs de services. Sans le nommer, il donnait ainsi l’exemple d’ Apple qui sélectionne les applications éligibles à l’App Store. Au sujet de l’éduction, le professeur Klaus Schwab soulignait que dans l’avenir, l’éducation continue deviendra déterminante, et contribuera au développement de l’utilisation de la vidéo en ligne. J’en arrive même à penser que nous avons besoin d’une éducation disruptive, technologique, sociale, et impliquant la responsabilité des parents et enseignants.

Au bilan de ces deux jours de conférences (je n’ai pas pu assister aux débats du 25 mai matin), je note plusieurs points positifs :

  • Une réelle prise de conscience des pouvoirs publics : évoquer le développement de l’Internet au G8, c’est bien sûr prendre le risque d’une récupération politique, mais c’est aussi saisir l’opportunité d’une accélération au profit de l’humanité
  • Les débats sur la propriété intellectuelle, et sur l’innovation ont été particulièrement animés. Le premier de par les tensions entre les auteurs d’œuvres, les distributeurs et les consommateurs. Le second de par la qualité des intervenants qui en fait une conférence très vivante et intéractive
  • Les conversations de Maurice Lévy avec Nicolas Sarkozy d’une part et avec Marc Zuckerberg d’autre part, étaient particulièrement intéressantes. Je recommande d’ailleurs de les revoir en ligne dans leur intégralité, et de s’accrocher pour suivre le créateur de Facebook qui parle décidément très vite (!)

Je note également quelques points négatifs qui pourront être pris en compte pour l’organisation des futurs e-G8, si tant est que l’initiative se pérennise en amont des prochaines réunions du G8 :

  • La méthode d’animation ne me semble pas forcément efficace pour refléter les points de vue différents et, pour avoir assisté en grande partie à la session de clôture, je doute de la qualité, de l’exhaustivité et de la représentativité des sujets de discussion qui seront remis aux chefs d’Etat. Une interaction plus forte avec la salle, au moyen de la panoplie d’outils 2.0 bien connus des acteurs présents sur la scène, aurait été appréciable. On peut d’ailleurs s’étonner de l’absence d’un Twitter back pendant les débats
  • En complément de ce qui est évoqué plus haut, il n’y avait pas suffisamment de représentants d’acteurs hors du cœur de métier de l’Internet (réseaux, éditeurs logiciel, pure players). Comme le montre l’étude de McKinsey sur la valeur économique générée par Internet, 75% provient désormais d’acteurs qui ne sont pas nés de l’Internet mais sont issus de l’ancienne économie. Or, ils ont aussi une part importante à prendre dans le développement de l’Internet et de ses usages.

Les jours à venir, il sera intéressant de voir comment les chefs d’Etat accueilleront les sujets discussions qui ont émergés de ces deux jours, et comment la multitude d’acteurs de l’Internet poursuivront le débat. A suivre !

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