10 avril 1995 : mon entrée à la BnF

La Bibliothèque nationale de France, photographiée en 2022.

Il y a trente ans jour pour jour, le 10 avril 1995, je faisais mon entrée à la Bibliothèque nationale de France en tant qu’ingénieur de développement.

Trois jours plus tôt, j’avais terminé mon service militaire. Un week-end aura suffi pour revenir à la vie civile.

Le processus de recrutement, en ces temps où les postes d’informaticiens étaient rares, avait été des plus exigeant. Deux mille candidats avaient répondu à l’annonce publiée dans 01 Informatique. Je faisais partie des six retenus après un test de connaissance à l’image d’un examen d’entrée dans une grande école, suivi d’une série d’entretiens.

Je me souviens encore d’avoir fait preuve d’un brin d’impertinence en rendant ma copie. En effet, j’avais osé signaler une erreur, et répondre par manque de temps à une question par un énigmatique trigramme : AGL.

Lors de mon arrivée dans les locaux à Ivry (la BnF n’était pas encore sortie de terre), le DSI m’a dit cette phrase qui m’a beaucoup marqué : « Vous vous apprêtez à vivre la plus belle expérience de votre carrière professionnelle. »

Du haut de mes vingt-trois ans, je trouvais cela présomptueux. Il aura fallu attendre vingt-cinq ans et la création de mon entreprise, DIMM.UP, pour vivre une émotion professionnelle aussi forte.

Car participer à un projet aussi ambitieux que la construction d’un établissement public aussi prestigieux, est effectivement exceptionnel dans une carrière.

Je suis devenu un expert en bibliothéconomie. J’ai conçu et développé le système informatique qui assure le transport des ouvrages en salle de lecture. Dit comme ça, c’est simple. Les volumétries en jeu et la taille du lieu rendent le sujet un peu plus complexe. À ma connaissance à l’époque, il n’y avait que deux équivalents au monde.

J’ai eu l’immense privilège de faire partie d’une équipe de pionniers. L’innovation était de tous les instants. Plus grand réseau ATM au monde. Plus grand parc de PC sous Windows. Plus grand système informatique développé en langage objet (C++). Tout était gigantesque, hors norme. Même la pression médiatique de ce projet voulu par François Mitterrand et inauguré par Jacques Chirac.

Je me souviens encore des kilomètres parcourus pendant la « marche à blanc », à savoir une période de tests grandeur réelle. Ce qui m’a valu une tendinite au tendon d’Achille.

Même mon contrat de travail était innovant. Une vraie leçon pour les DRH. Un type de contrat qui devrait inspirer. J’étais un « compagnon », à l’image des compagnons du Moyen-Âge, bâtisseurs de cathédrales. Je passais un tiers de mon temps en maîtrise d’œuvre à construire le système informatique, et deux tiers en maîtrise d’ouvrage à le spécifier, le recetter, le déployer.

Avec ce type de contrat, en trois ans, j’avais acquis plus d’expérience que n’importe quel jeune ingénieur de mon âge.

Les décennies ont passé, j’ai gardé le contact avec nombre de mes collègues de l’époque. C’est un immense plaisir de les retrouver. Ce jour de 10 avril 2025 est un hommage que je leur rends, pour tous ces merveilleux moments passés ensemble à construire ce magnifique établissement.

PS1 : j’ai eu ouïe dire récemment que des lignes de code que j’ai écrites sont encore en production !

PS2 : si vous n’êtes jamais allé à la BnF, je vous encourage à y faire un tour. La culture est essentielle.

PS3 : à l’époque on ne parlait pas encore de digital, mais Internet s’apprêtait à bouleverser les usages, et l’intelligence artificielle se frayait un chemin dans les discussions.

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