Les métiers du Web et de l’Internet recouvrent une multitude de compétences et de parcours professionnels. Ces métiers sont encore jeunes, peu normalisés dans leurs missions et compétences requises pour les exercer. La classification ROME (Répertoire Opérationnel des Métiers et des Emplois) de Pôle Emploi, référence cependant plusieurs fiches métiers du Web, de l’Internet, du multimédia et de la communication, qui recouvrent ces métiers.
Au-delà de la normalisation de ces métiers, amenés encore à évoluer dans les années qui viennent, il peut être intéressant de comprendre comment ils sont exercés. C’est l’objet de l’étude réalisée dans le cadre du projet européen Interreg IV France-Wallonie-Flandre COMPETIC. Bien que cette étude couvre une zone géographique restreinte, elle fournit quelques enseignements intéressants sur les professionnels du Web et de l’Internet. Le portail des métiers de l’Internet indique les principales conclusions de l’étude. Quelques points du rapport complet ont attiré mon attention.
On apprend par exemple (voir p.30) que 70% des répondants à l’enquête déclarent utiliser aujourd’hui des compétences acquises en auto-formation. Quelle autre filière métier dépend autant de l’auto-formation ? Comment l’entreprise peut-elle structurer une filière métier pour les professionnels du Web ? Comment peut-elle organiser l’auto-formation pour lutter contre l’obsolescence des connaissances de ses employés ?
LinkedIn et Viadeo émergent parmi les canaux de recrutement (voir p.52), mais restent peu utilisés par rapport aux canaux classiques, ce qui peut sembler surprenant pour un univers professionnel a priori enclin à utiliser les médias sociaux. Si les professionnels des métiers les plus à l’avant-garde des usages de nouvelles technologies en sont encore là, les jobs boards ont encore de beaux jours devant eux. Et on peut se demander comment les réseaux sociaux professionnels peuvent évoluer pour devenir des canaux de recrutement plus efficaces ?
68% des répondants (voir p.64) déclarent ne pas télétravailler (au moins un jour par semaine) ce qui reste surprenant pour des métiers du numérique. Métiers pour lesquels de nombreuses tâches peuvent être réalisées sans dépendre d’un matériel lourd. Cependant, ce faible taux de télétravail est compensé par le fait que 60% déclarent ramener du travail à la maison. Le télétravail pendant les heures ouvrées aurait-il du mal à se développer, même pour ces populations habituées à utiliser des ordinateurs dans leur quotidien ?
69% des répondants français (voir p.72) se déclarent satisfaits de leurs perspectives de carrière. Autrement dit, 3 professionnels Français du Web sur 10 ne sont pas heureux des perspectives de carrière qui leur sont offertes. N’est-ce pas paradoxal pour un domaine d’activité en pleine évolution et offrant de belles perspectives de croissance ? Qu’en est-il d’autres domaines d’activité?
62% des répondants se déclarent satisfaits de leurs revenus (voir p.74). 4 professionnels du Web sur 10 ne sont donc pas satisfaits de leurs revenus. Cela signifie-t-il qu’ils perçoivent que la valeur ajoutée apportée par leur travail n’est pas justement récompensée par leur employeur ?
Les inégalités hommes-femmes sont importantes (voir p.84). Elles s’expliquent probablement par la répartition des sexes entre les métiers du web, les femmes s’orientant semble-t-il vers des métiers moins rémunérateurs.
7 travailleurs sur 10 envisagent de changer d’emploi dans les 2 ans à venir (voir p.110). N’est-ce pas contradictoire avec le taux de satisfaction sur les perspectives de carrière ? Comment préparer la carrière de ces professionnels ? Comment faire en sorte qu’ils puissent se projeter dans l’entreprise au-delà de 2 ans ? Encore une question de filière métier à organiser au sein de l’entreprise, voire en organisant des passerelles entre entreprises.
Enfin, au-delà de ces points qui ont attiré mon attention et soulèvent de nombreuses questions, j’aurais apprécié de pouvoir comparer avec les pays anglo-saxons (notamment UK et Etats-Unis) qui font figure d’eldorado pour les professionnels de la profession. Il serait en effet intéressant de disposer d’un baromètre international permettant d’apprécier le bien-être des professionnels du Web et de l’Internet dans différents pays. Un comparatif qui permettrait de comprendre les leviers de recrutement et de fidélisation des talents du Web et de l’Internet, source de développement de richesses dont notre pays a bien besoin.