Adobe Digital Summit EMEA : interview de Tamara Gaffney, Principal Analyst du Digital Index

Adobe dispose aujourd’hui d’une importante base installée de clients de ses solutions de marketing digital dans le monde. Ils utilisent les solutions cloud de l’éditeur. Ce faisant, les données disponibles en central peuvent être anonymisées et agrégées pour en tirer des tendances marché et servir de support à la réalisation d’études. C’est exactement l’objet du Digital Index, dirigé par Tamara Gaffney (@tamarag) que j’ai eu l’opportunité d’interviewer en marge du Digital Marketing Summit de Londres.

Pouvez-vous présenter votre équipe ?

« Mon équipe accède à toutes les données du Adobe Marketing Cloud : visites de sites, consommation de vidéos, utilisation de médias sociaux, etc. Notre base de clients nous permet de suivre 70% des dépenses marketing et 30% des visites de sites de tourismes par exemple. Nous produisons des rapports qui permettent aux responsables marketing de mieux comprendre ce qui se passe. Les données (bien-sûr anonymisées et agrégées pour en assurer la confidentialité) sont fournies gratuitement à la communauté, clients comme non clients d’Adobe. Les utilisateurs du Digital Index peuvent même demander des données spécifiques. Nous pouvons parfois réaliser ainsi des extractions ciblées, du moment qu’elles ne remettent pas en cause notre engagement de confidentialité. Le Digital Index reflète la culture d’Adobe, qui vise à faire des responsables marketing les meilleurs. »

Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les entreprises dans la digitalisation de leurs activités ?

« En premier, la personnalisation me semble un enjeu majeur. Les entreprises ont besoin de comprendre pour qui elles personnalisent leurs services. Or les responsables marketing vont souvent trop vite, ne se laissent pas le temps d’exploiter les gisements de données à leur disposition et d’adapter leurs messages aux consommateurs. Deuxièmement, le contrôle des dépenses média est également un enjeu. Les médias sociaux sont venus s’ajouter à la liste des médias existants (télévision, presse, web, etc.), rendant plus difficile une vision cohérente des investissements médias et de leurs résultats. Parmi les supports récents, Google Visual Ads par exemple, introduit il y a quelques mois, représente déjà 20% des revenus de Google, sans que des résultats probants aient été démontrés par les annonceurs. Des budgets toujours plus importants, éclatés sur différents supports, et dont la cohérence est difficile à appréhender. Troisième difficulté, les compétences : les responsables marketing issus d’un univers créatif utilisaient au mieux un tableur Excel jusqu’ici. A présent, des gisements de données sont à leur disposition. Les Data Analyst peuvent les aider à naviguer dans ces données, mais le responsable marketing doit raconter l’histoire qui va avec et pour cela s’efforcer de comprendre le discours des analystes. Dans tous les domaines du marketing digital (SEM en particulier), il ne suffit pas d’embaucher un expert, il lui faut des outils et bien-sûr le former à ces outils. Quatrième difficulté enfin, le manque de ressources de conception créative. Les médias sociaux deviennent plus visuels avec le développement de la vidéo. Or la vidéo, lorsqu’elle est de bonne qualité, s’avère un média plus engageant, porteur d’émotion et plus facilement partagé. Malheureusement les entreprises souffrent d’un manque de ressources pour les réaliser, ce qui crée une tension sur le marché de l’emploi sur ce type de profils. »

Comment vos clients convainquent-ils les décideurs d’investir dans le digital ?

« L’important est de donner aux décideurs les informations alimentant les business cases, en particulier aux Directeurs Généraux, très souvent orientés sur la finance d’entreprise. Il faut expliquer le ROI des initiatives digitales, établir et expliquer la feuille de route, exécuter le plan prévu, montrer les résultats. Les responsables marketing convainquent les dirigeants en gagnant de petites batailles qui démontrent la valeur business des initiatives digitales qu’ils lancent. Une stratégie des petits pas qui conduit progressivement les dirigeants à comprendre l’intérêt du digital. »

Qui mène la transformation digitale ?

« Nous observons qu’il s’agit souvent d’un partenariat entre le DSI et le Directeur Marketing. Les initiatives venant de la base sont également fréquentes, conduisant les dirigeants à un mettre en place une démarche coordonnée. Les Data Scientists curieux, ouverts aux applications business, peuvent devenir de bons leaders de la transformation digitale. Cependant, la mauvaise nouvelle pour beaucoup d’entreprises, est que ces leaders de la transformation digitale sont confrontés au poids de la structure rendant la collaboration fluide inter-département difficile à mettre en place, comme le montre le rapport Digital Roadblock (édition EMEA) que nous venons de publier. »

Les femmes ont-elles un rôle particulier à jouer dans la digitalisation ?

« Je ne peux pas répondre en tant que représentante d’Adobe. A titre personnel, j’observe que hommes et femmes sont complémentaires. Chacun apporte sa vision, sa sensibilité. Les femmes sont sur-représentées dans les fonctions RH, et sous-représentées à haut niveau dans le marketing. Un équilibre est peut-être à trouver, à commencer par l’orientation vers des filières en formation initiale. »

Avez-vous connaissance d’un modèle de maturité digitale des entreprises ?

« Pour la fonction marketing, nous proposons le Digital Marketing Maturity Assessment. Un outil d’auto-évaluation permettant de situer la maturité du marketing digital de l’entreprise. »

Adobe_Digital_Marketing_Maturity_Assessment

Cet article fait partie d’une série d’articles publiés à l’occasion du Summit :