Voilà un peu plus de six mois que ChatGPT est arrivé à la connaissance du grand public, le 30 novembre 2022. On nous disait pourtant à l’époque que la transformation digitale était derrière nous. On pouvait tranquillement passer à autre chose. Et boom! Voilà que l’intelligence artificielle générative change tout. Que retenir de ces six mois de folie ?
Du bluf à la prise de conscience que quelque chose change
Au fil des mois, j’ai testé ChatGPT (sans grande conviction), j’ai lu beaucoup d’articles, j’ai assisté à des conférences, j’ai participé à des webinaires sur le sujet. J’ai vu des démonstrations bluffantes et d’autres qui se plantaient avec le sourire de l’intervenant. J’ai vu des gens crier au miracle. Je suis inondé de pubs pour apprendre à écrire des prompts. Et pendant ce temps-là, en France, passait une réforme des retraites qui faisait grincer des dents. Un semestre où la vague de la modernité frénétique percutait de plein fouet la fin d’une époque qu’on tire jusqu’à la dernière goutte.
Tout le monde s’est emparé du sujet. La mode, la mode, toujours la mode. Moi aussi j’y ai cédé d’ailleurs. En janvier 2023, je me faisais taquin dans un post LinkedIn dont le texte est garanti sans ChatGPT. Dans un billet de blog, je m’interrogeais en février 2023 sur la maturité digitale des entreprises en France à l’ère de ChatGPT. J’ai même fait la promotion sur LinkedIn du concert Rock’in Villages auquel je participais le 17 juin 2023 en affirmant que ChatGPT ne joue pas de guitare. Croyez-le ou non, la vignette a attiré le chaland ! Donc la règle de base du marketing digital en ce début 2023 : mentionnez ChatGPT, quoique vous fassiez !

En 2023, si t’as pas testé ChatGPT, t’as raté ta vie
En décembre, McKinsey indiquait qu’un million de personnes avaient testé ChatGPT dans les cinq jours qui ont suivi son ouverture. Les chiffres donnent le tournis. Dans les conférences que j’ai données depuis, j’ai donc demandé à l’assistance : « Et vous, avez-vous testé ChatGPT ? » Fin janvier au CTCO la moitié répondait par l’affirmative. Ils étaient plus de 80% fin mai lors de l’université de printemps de la 2FPCO. Comme aurait pu dire Jacques Séguéla, en 2023, si t’as pas testé ChatGPT, t’as raté ta vie, quel que soit ton âge !
Le célèbre cabinet de conseil liste pêlemêle les activités impactées en donnant des exemples de cas d’application de l’IA générative :
- Marketing et ventes : contenu personnalisé, médias sociaux, support de vente, contenu spécifique à un secteur
- Opérations : génération d’une liste de tâches
- IT : génération de code
- Risque et juridique : réponse à des questions complexes, génération de rapports
- R&D : découverte de nouvelles molécules par une meilleure compréhension des maladies et des structures chimiques
Et puis il invite à faire preuve de prudence :
- Parfois l’IA se trompe
- Des biais sont possibles
- L’IA ne prend pas en compte les valeurs de l’entreprise
- La propriété intellectuelle pose question
Voilà qui invite à réfléchir.
ChatGPT 1, cerveau 0
Joël Bizingre a joué avec ChatGPT au sujet des données, tandis que 14 étudiants de fac à Lyon avouaient avoir utilisé ChatGPT pour rédiger une dissertation. Morten Rand-Hendriksen prévenait sur TikTok que ChatGPT, c’est de la merde, alors que Yann Gourvennec remarquait qu’avec ChatGPT, l’homme descend au niveau de la machine (et ce n’est pas un compliment).
On découvrait aussi (et il faut vraiment vouloir trouver l’info), que derrière la magie, se cache l’horreur pour des travailleurs kenyans payés une misère pour expurger ChatGPT de contenus violents. Pourtant Yann LeCun, grand spécialiste de l’IA l’affirme : « Il n’y a rien de révolutionnaire ». Alors pourquoi autant de bruit ?
Peut-être parce que, une fois passés les premiers instants de fascination (on se croirait revenus à l’époque de la multiplication des pains, un miracle s’opérait sous nos yeux !), comme le signale Michel Lévy-Provençal, « Il y a une formidable opportunité pour les acteurs de l’éducation, non pas d’utiliser ChatGPT qui hallucine beaucoup, mais d’utiliser les mêmes technologies sur un corpus d’informations filtré ».
Un frémissement de prise de recul quasiment inaperçu
Avec un tout petit peu de recul, et là aussi, il faut tendre l’oreille digitale pour entendre ces sons de cloche moins fanatiques, on prend conscience que ChatGPT hallucine. Beaucoup même. Sonia Devillers s’est même amusée à interviewer la bête sur France Inter. Heureusement qu’il y a les explications de David Chavaliarias !
Alors on essaie de comprendre comment ChatGPT fonctionne, pour arriver à générer autant d’âneries ! Je conseille vivement à ce titre de visionner les explications de l’algorithme de ChatGPT par David Louapre.
L’écoute de l’interview de Laurence Devillers par Jérôme Colombain sur le podcast Monde Numérique mérite aussi le détour. On notera qu’elle mentionne Bloom, éditeur d’une IA générative qui fait moins de bruit, mais qui mérite qu’on s’y intéresse.
Ces discours de prudence, qui invitent à la raison, passent quasiment inaperçus dans le brouhaha médiatique dont bénéficie ChatGPT, pour la plus grande joie des actionnaires d’OpenAI (au premier rang desquels Microsoft figure en bonne place, lequel s’est empressé d’intégrer ChatGPT à son moteur de recherche Bing). Pire, alors qu’à la même période les parlementaires s’étripaient en France sur la réforme des retraites, on ne pouvait qu’être subjugué par le silence des politiques quant à l’impact des IA génératives sur le travail et sur les retraites. Marion Maréchal, est à ce titre une des rares personnalités politiques à s’être exprimée sur les conséquences de ChatGPT et autres IA génératives. Le fait qu’elle soit une femme et jeune lui donne-t-elle un avantage pour se projeter sur le long terme ?
Un outil qui pose questions (à défaut de donner des réponses fiables)
Dans une époque marquée par une préoccupation grandissante sur l’environnement, ChatGPT soulève aussi la question de sa consommation énergétique, colossale pour certains, pas si énorme que ça en coût complet selon Raphaël Richard.
Autre sujet majeur : les droits d’auteur, largement bafoués par le générateur de texte qui puise sans gêne dans les millions de textes produits par des humains. À qui appartient le contenu ainsi généré ? C’est encore flou. Pour plus de précision, lire le point de vue de Benoit Reger sur la propriété intellectuelle et les droits d’auteurs avec ChatGPT : « La responsabilité des contenus produits revient donc à l’éditeur : dans le cas de ChatGPT, il s’agit de l’entreprise OpenAI. » Encore une fois, il y a là matière à réflexion.
On peut s’inquiéter aussi des conséquences des IA génératives sur la cybersécurité. Car oui, ces outils sont puissants pour un bon usage, comme pour un mauvais.
Un cortège de nouveautés
Qui dit nouvelle technologie, dit nouveau métier. On a vu apparaître le titre d’ingénieur prompt, pas dans le sens « ingénieur qui agit sans tarder », mais « ingénieur qui sait poser des questions à un outil ». Jusque-là, à ma connaissance, un ingénieur appliquait des techniques scientifiques pour construire et obtenir un résultat maîtrisé. Or là, on ne maîtrise pas tout (voir plus haut le point relatif aux hallucinations). Pire, on a bien du mal à expliquer le résultat. Sam Altman lui-même l’admet. Alors je trouve que le terme de prompt designer serait plus adapté. On y trouverait une notion artistique, une forme d’incertitude qui peut surprendre.
On a vu aussi apparaître des bréviaires des temps modernes, sous la forme de bibliothèques de prompts. À ce stade, on atteint les sommets ! Rendez-vous compte, non contents de ne plus avoir à formuler les réponses, on en est rendus à choisir parmi une liste de questions ! Que nous reste-t-il à nous, pauvres humains aux cerveaux limités ?
Noam Chomsky nous livre une réponse, là encore sous forme d’alerte, quand il accuse ChatGPT de « banalité du mal ». Il est bon parfois d’écouter les philosophes.
Des interdictions pour calmer les ardeurs
D’ailleurs le législateur a été plus prompt (ah, ah, jeu de mots 😂) à réagir que dans les décennies passées. La CNIL italienne a même bloqué ChatGPT pour ton conformité au RGPD ! Tant pis pour les Italiens, obligés de continuer à réfléchir avec leur cerveau ou à utiliser un VPN. On peut même s’étonner que les concepteurs eux-mêmes, sans doute dépassés par leur créature, en arrivent à demander l’intervention du législateur, à l’image de Mira Murati, CTO OpenAI, qui pense qu’il faut réguler ChatGPT. Je suis d’ailleurs tout à fait d’accord avec lui lorsqu’il considère que ChatGPT aura un impact majeur sur l’éducation. Même plus largement sur la formation continue. Avoir une conversation avec un enseignant est une puissante méthode d’apprentissage. À condition que les réponses soient de qualité et construites de manière éthique.
Certaines entreprises, se sont aussi émues des conséquences désastreuses de ce pompeur de données qui ne dit pas son nom, comme Samsung qui a interdit ChatGPT après avoir constaté des fuites. Les plus jeunes sont aussi plus prudents qu’on ne croit, puisque la génération Z utilise ChatGPT mais craint sur ses conséquences pour leur futur emploi. Confère le point plus haut relatif aux débats sur la réforme des retraites, sensée s’appliquer pendant plusieurs dizaines d’années.
Des applications douteuses ou amusantes de l’IA générative
Pendant que le monde incrédule se jette à corps perdu sur l’outil, de peur d’être dépassé, pas effet de mode, se demandant comment l’utiliser pour être (vraiment) efficace, des petits malins se gavent. Ainsi l’application Ask AI facture 5 dollars par semaine pour interroger ChatGPT… qui est gratuit dans son usage de base !
Les IA génératives génèrent des contenus qui semblent réels. Les textes, c’est déjà impressionnant, et le profane s’exclame du pouvoir magique de la chose. Les images c’est encore plus incroyable (à mes yeux). On peut désormais créer des photos de visages de personnes qui n’existent pas.
D’ailleurs, avec Vestigia, on peut se demander ce que penserait Napoléon de tout ça : « ChatGPT est-il un bon outil pour l’avenir de l’humanité ? »

Raison garder, tête froide conserver
Pour les entreprises, et en particulier leurs dirigeants, cette frénésie autour de ChatGPT montre à quel point la prise de conscience profonde de la maturité digitale est plus que jamais indispensable. Chaque semaine, de nouvelles solutions IA sortent sur le marché. La question n’est donc pas d’adopter la dernière sortie, ni celle qui fait bien quand on en parle dans les salons. La question est d’avoir une vision à long terme du digital pour l’entreprise, d’organiser une veille opérationnelle, d’adopter une culture d’innovation, d’oser tester et apprendre, tout en maintenant la trajectoire qui crée de la valeur. C’est pourquoi un diagnostic de maturité digitale est indispensable (évidemment à faire avec DIMM.UP, en étant accompagné pour les petites entreprises ou en autonomie sur la plateforme dimmup.com😉). Cette vague de l’IA générative a tout submergé sur son passage, et ça ne fait que commencer.
100% humain, le collectif
En conclusion, aussi puissant soit-il, ChatGPT n’aurait pas pu écrire cet article. Je dirais même plus, pour paraphraser les Dupondt, l’écrire m’a aidé à synthétiser ma pensée. Car l’écriture est une tâche créative qui soutient la réflexion. Ne l’oublions pas quand on confie à un algorithme le soin de « réfléchir » à notre place. Ce texte, je l’ai tapé caractère après caractère. J’y ai mis mes émotions. J’y fais transparaître mes imperfections d’être humain. J’ai pensé à toi cher lecteur en me demandant à chaque instant si tu me suivrais dans mes pérégrinations. Ce faisant, par l’entremise de l’écran, nous avons eu un début de relation. Je fais partie de ces gens qui croient à la valeur de ce contact particulier entre êtres humains. Ce qui n’empêche en rien la poursuite du développement de l’IA générative. En revanche, je tiens à ce que les créations (textes, images, vidéos), produites par des machines, soient clairement identifiables. Ce qui oblige à clairement identifier les créations produites par des humains. C’est la raison d’être de la charte 100% humain (#cpcHUM1) que je rejoins avec grand plaisir aujourd’hui 16 juin 2023. Voir l’annonce de lancement du collectif Web 100% humain. J’espère de tout cœur que toi aussi, cher lecteur, tu apprécieras cette initiative.












